2 janvier 2009

Voyage au bout de la nuit.

Jeu d'écriture.
Lieu : une aire de repos d’autoroute
Contexte : Un soir où vous rentriez tranquillement chez vous, vous vous arrêtez pour vous reposer quelques minutes. Mais qu’est ce qui vous a retenu sur cette aire jusqu’à l’aube ?
Mots obligatoires dans le texte : clepsydre, brume, étoile, manuscrit, alchimie
(NB : histoires de pannes de voiture ou d’amour interdites)


*

Comment te dire ce qui m'a pris ce jour-là? Je pense que moi-même ne le sais pas vraiment. Je me rappelle m'être dirigé vers la voiture, clés en mains, et puis, un blanc. Ma mémoire refuse de me rendre ces quelques heures dérobées. J'ai beau réfléchir, la dernière image qui m'apparaît, c'est la clepsydre ornant l'entrée du bâtiment (quelle idée d'ailleurs, de mettre ça là... pour "faire joli" sans doute...)

Je me revois ensuite revenir à un mode de pensée conscient. J'étais sur l'autoroute, filant droit vers le nord. J'ai mis peu de temps à me repérer. De toute évidence, l'esprit en mode "automatique", je m'étais dirigé immédiatement, attiré comme l'aiguille d'une boussole, et avais roulé à vitesse constante. Mon retour à la conscience n'a rien changé à la situation. Non, j'ai continué ma route, vers le nord, toujours plus loin. Ce qui semblait être un coup de tête est devenu une résolution ferme en moi. Je ne savais pas exactement où j'allais, mais la direction, ça! Peut être que là, je comprendrai enfin pourquoi. Pourquoi moi, pourquoi toi, pourquoi cette alchimie qui nous liait! Et aussi, le pourquoi de ta disparition...


Tu me répétais souvent – oh, comme j'aimais à entendre le son de ta voix –, que notre vie n'est pas un roman tout écrit, mais plutôt un manuscrit, que nous écrivons de notre plume, plein de nos ratures... Avec cette aventure, je comprends mieux ce que tu voulais dire.


Je ne sais plus maintenant depuis combien de jours je roule. Mes jours sont ponctués d'arrêts pour faire le plein d'essence et manger, mes nuits d'arrêts sur de vagues aires d'autoroute. Je suis en Russie depuis un moment il paraît. Ca s'est vu à l'état de l'autoroute. Enfin, si on peut appeler ça une autoroute. Tu avais raison lorsque tu disais qu'ici il n'y avait pas de route, mais que des directions. Ce sur quoi je roule s'apparente plus au chemin de terre qu'à l'autoroute, hormis sa fréquentation.


Il commence à se faire tard, je le sens. Pourtant le soleil n'est pas encore très bas. Tant pis, j'ai sommeil, la prochaine aire de repos, je m'arrête, et je dors. Quoique, après avoir regardé le coucher du soleil. C'est un spectacle qui m'a toujours ému. Ces dégradés de couleurs changeantes, jusqu'à ce que la nuit gagne le combat sur le jour et qu'apparaissent les étoiles, en honneur à la lune et à la nuit vainqueresses.

Mais il semblerait que le spectacle soit différent ce soir. Quand je disais qu'il était déjà tard. Le soleil semble hésiter à se coucher. Et le voilà qui, prêt à disparaître sous la ligne d'horizon, décide, non pas de se déclarer vaincu comme chaque soir, mais de remonter dans le ciel, lentement.

Et c'est là que j'ai compris. Voilà donc ce qu'était une nuit blanche, une nuit ou l'astre du jour ne se couche pas. A force de rouler vers le nord, j'avais dépassé le cercle polaire.

Ce soir, cette nuit plutôt, la bataille ne fut pas remportée par la nuit, mais par le jour.


Et, l'esprit encore rempli de toutes ces images fabuleuses, gravées maintenant à jamais en moi, je repris la route, en sens inverse, dans la brume matinale.

Il m'en aura fallu du chemin, littéralement, pour te comprendre et, enfin, faire mon deuil de toi...