21 juin 2010

Complètement perdus

Un jeu, encore.
Il fallait écrire un texte entièrement sous forme de dialogue, sur le thème des retrouvailles.


*

- Oh !
- AaaAaHhHHhh ! ... Pardon. Bonjour !
- Hum... euh... bonjour. Votre visage m'est familier, on se connaît non?
- Eh bien, tu... vous – oh, on peut se tutoyer hein? Merci – tu dois le savoir mieux que moi, mais je crois bien que oui. Ça fait longtemps, et question mémoire, je suis pire qu'un poisson rouge.
- Elle n'a donc pas retrouvé la mémoire... ça en devient inquiétant.
- En effet...
- Et où étais-tu passé?
- Tu vas rire... je n'en ai pas la moindre idée ! Amusant non? Mais bon, avec le sens de l'orientation non plus ça n'a jamais été l'entente...
- Oui, jamais à vous envoyer des roses, mais plutôt les pots.
- Héhé... tu sembles t'être amélioré avec la répartie !
- C'est que ça s'est fameusement vidé ces derniers temps, il était un des seuls à être resté.
- Elle a perdu tant que ça?
- Et plus encore, tu n'imagines pas.
- Heureusement que je suis revenu, ça devait être triste dans le coin.
- Merci de le rappeler.
- Elle garde l'équilibre au moins?
- Bah, elle le perds de temps en temps, ça nous a valu quelques belles chutes, mais elle le retrouve toujours assez vite, ça va de ce côté là.
- Chouette, ça fait montagnes russes alors...
- Mouais... khof khof.
- Tu tousses?
- Toujours pas la santé non.
- Rien à voir avec ça, désolé.
- J'espère qu'elle reviendra vite...
- De même... mais au fait, qui es-tu? À défaut de savoir exactement qui je suis, j'aimerais savoir à qui je parle...
- Moi? Je suis la raison voyons, qu'heureusement elle n'a jamais perdu. C'en aurait été fini d'elle autrement.
- Es-tu sûr d'avoir raison, la Raison? Elle n'aurait peut-être pas perdu sa joie de vivre si elle avait su faire abstraction de toi.
- Tu veux qu'en plus de tout elle ait fini à l'asile? La pauvre... Elle a perdu la motivation, la confiance en soi, le sommeil, l'appétit... grâce à moi, elle a gardé l'espoir.
- Aucun de ceux-là n'a été retrouvé?
- Non... Elle n'est pas loin de perdre le nord.
- Et l'amour?
- Aucune trace de lui.
- Zut... bah, en fait, c'est ptêt pas une mauvaise chose qu'elle perde le nord alors, qui sait, l'amour, elle le retrouvera peut-être au sud ! Mouahaha !
- C'est cela oui... Mais, j'y suis ! Avec tout ça, elle avait perdu son brin de folie. Bon retour parmi nous, canaille. Je suis sûr qu'avec toi elle finira par se sentir mieux, et qui sait, peut-être allons-nous bientôt retrouver la bonne humeur, vous vous entendiez si bien...

7 juin 2010

Pierrot

Consigne : raconter une histoire du point de vue d'un enfant de maximum huit ans.

*

J'ai joué toute la journée avec Jeanne. Jeanne c'est ma grande sœur, la celle qu'est là-bas. Il faisait froid dehors aujourd'hui, plus froid que les autres jours. Alors les parents ils ont pas voulu qu'on sorte. On a joué à cache-cache, mais c'est pas facile parce que les meilleures cachettes, on a pas le droit d'y aller. C'est pas bien d'entrer chez les gens.

C'est long toute une journée, surtout qu'on a pas le droit d'aller là où y a du tapis sur le sol, il paraît que c'est les parties pour les riches. On est pas riches nous.

Après déjeuner, ou alors après la sieste, je sais plus, on a voulu chasser les rats. On m'a dit qu'y en a toujours, mais nous, on en a pas trouvé. Si y en a, ils sont bien cachés.

C'était pas bon le repas ce soir. Pas de viande, et les légumes, ils étaient pas frais. Puis en fait j'aime pas les légumes. Et après papa et maman ils ont demandé qu'on aille dormir.
C'est là que ça n'a plus été normal.
Tout a bougé – je suis presque tombé du lit – et beaucoup de bruit. Papa et maman nous ont réveillés, et ils nous ont dit de mettre des vêtements chauds. On a pas compris, on voulait dormir nous, il était tard, mais on a obéit.

Dans le couloir, des gens couraient tout partout. On s'est fait bousculer, on a perdu papa et maman de vue. On nous a dit qu'il fallait monter et qu'on les retrouverait là-bas.
Mais en haut des escaliers, juste avant là où il y a du tapis au sol, on avait fermé des grilles pour pas qu'on passe. J'avais même pas vu qu'il y avait des grilles.
Un monsieur très gentil nous a dit de le suivre, qu'il savait comment on pouvait monter. Comme c'était de l'autre côté qu'on retrouverait nos parents, on l'a suivi, on avait peur.

Je sais pas par où on est passé, il nous a fait grimper une échelle, vous savez, ces barres en métal qui dépassent des murs. C'est plus dur à monter que je pensais, mais on y est arrivés.

Là, il y avait encore plus de monde que d'où on venait. Des gens, partout, on nous poussait. Je serrais très fort la main de Jeanne, je voulais surtout pas la perdre. On est allés dans le même sens que les autres, c'est sûrement là qu'ils étaient.
C'est joli par là, on avait pas pu y aller avant. Y avait même des gens qui jouaient de la musique.

Et puis, tout est allé très vite. Un monsieur nous a pris, Jeanne et moi, et nous a déposé dans une petite barque. On voulait pas, on voulait voir papa et maman nous. Puis le monsieur, il a embrassé une dame avec un gros ventre qui était là aussi, comme papa et maman ils s'embrassent quand ils pensent qu'on voit pas, et il est ressorti. Faut dire qu'on était serrés, il aurait pas pu s'asseoir, il y avait plus de place. Avant qu'on ait pu rouspéter, le canot est descendu dans l'eau.

Partout sur l'eau, j'ai vu des barques comme la nôtre, plein de gens. On avait froid, très froid, heureusement qu'on était beaucoup, on se tenait un peu chaud serrés tous ensemble.

Je voyais les étoiles et la mer, j'étais pas assis dans le bon sens. Mais quand je me suis retourné pour voir, le gros bateau dans lequel on était, il allait dans le fond de l'eau. Des gens criaient partout, je sais pas pourquoi, ça m'a fait pleurer.

Puis vous êtes arrivés et vous nous avez pris sur ce bateau, et c'est là que vous nous avez montré le gros glaçon.

Dites monsieur, ils sont où mon papa et ma maman?