5 décembre 2011

Rico

Il fallait imaginer une histoire (pas nécessairement d’amour ) entre un coq ( un vrai, pas un jouet, bibelot etc) et une pendule, histoire qui devait contenir une partie dialoguée et les cinq mots suivants : coutumier, chape, boutade, inexorablement, noyer.

*

Le soleil était déjà haut dans le ciel et une magnifique journée s'annonçait. Rico se pelotonna un peu plus dans son duvet, roucoulant de contentement tandis que le soleil lui réchauffait les plumes de ses rayons.

Un cri soudain, suivi d'un lancer de bottine particulièrement précis, vint troubler cet instant de plénitude.

Rico tomba de son perchoir, sonné, essayant de comprendre ce qui venait de lui tomber sur la tête (une bottine, découvrira-t-il...). Alors qu'il se relevait péniblement et vérifiait que sa crête était toujours intacte, des hurlements lui parvinrent.

- Crénom de nom, saleté de coq ! M'en va te bouffer si t'continues à pô m'réveiller !

Les cris se rapprochant, Rico jugea plus prudent de s'enfuir momentanément. Le fermier ne mit pas la main sur le coq fuyard, mais cela ne l'empêcha pas de hurler à travers toute la ferme le sort qu'il comptait lui réserver s'il persistait à faire la grasse matinée. C'est que le coq n'était pas coutumier des réveils à l'aurore...

Les paroles du fermier résonnèrent longuement dans son crâne réduit. L'idée d'être associé à du vin aurait de quoi plaire, s'il n'était pas prévu qu'il fasse partie intégrante du menu...

Il tenta d'éclaircir ses idées en allant se promener près de la rivière, mais les canards, ayant bien entendu le fermier plus tôt, se moquèrent de lui. Blessé, il partit. Le poulailler ne fut guère plus accueillant, les poules lui donnant des coups de bec, l'insultant, disant qu'il faisait leur risée à tous.

Il voulu en désespoir se réfugier sur le toit de la ferme, mais le soleil était maintenant à son zénith et une chape de plomb était tombée sur les environs, la chaleur faisant fuir tous les animaux vers le point d'ombre le plus proche.

De plus en plus déprimé, Rico se remit en route, cherchant un endroit, un seul où il pourrait se sentir apprécié, ou à tout le moins où il n'aurait pas à subir de boutades de la part des autres animaux.

Il se réfugia sur la branche la plus basse du noyer, celui qui était tout proche de la maison du fermier. De là, par la fenêtre, il voyait la vieille pendule. Il savait que de sa part, il n'aurait que du silence, et c'était tout ce qu'il demandait maintenant.
Il fut un temps où il avait admiré cette pendule, dont le tic-tac l'apaisait. Elle n'éprouvait rien pour lui, il le savait. Il avait tenté de lui parler un jour, sans jamais recevoir aucune réponse de sa part.

Épuisé par sa journée, il finit par s'endormir sur sa branche, dormant mal, craignant que les menaces de mort soient mises à exécution le lendemain. Comment pourrait-il bien se réveiller à temps ?

Le lendemain matin, une sonnerie résonna dans son sommeil. Quel était ce bruit ? Une deuxième sonnerie lui fit ouvrir les yeux, cherchant son origine. Ce ne pouvait être l'arbre. Une troisième, et il tourna la tête vers la fenêtre de la ferme. Une quatrième, et il vit que c'était sa pendule bien-aimée.
À ce moment, il remarqua qu'un rayon de soleil passait à l'horizon. Il était réveillé à l'aube ! Sa pendule avait répondu à sa prière, et l'aidait ! Elle l'aimait donc !

À partir de ce jour, on pouvait trouver le coq, inexorablement perché sur un arbre, chantant chaque jour nouveau avec plus d'entrain, en cœur avec sa bien-aimée.

26 septembre 2011

Et maintenant, on fait quoi?

Thème : écrire un texte dans lequel vous imaginerez que la mutation d’une espèce animale menace l’humanité.

*

- C’est malin !
- J’ai pas fait exprès chef...
- J’espère bien que vous ne l’avez pas fait exprès, triple idiot !
- Mais... je n’ai pas cru que...
- C’est ce qu’ils disent tous ! Mais réfléchir avant d’agir, ça vous arrive? Vous avez un cerveau qui se cache sous vos cheveux, il est fait pour être utilisé !
- En même temps, comment aurais-je pu savoir?
- Pourquoi avez-vous eu l’idée au départ? L’exemple de l’Australie ne vous a rien appris? Les lapins, ça vous dit quelque chose? Je sais que c’est de l’histoire ancienne, mais la vie sur ce continent désertique l’est aussi ! On l’apprend lorsqu’on devient chercheur normalement, histoire d’apprendre des erreurs du passé et de ne pas recommencer !
- Je veux bien Docteur, mais en même temps, nous avions eu l’occasion d’étudier des Kleads en milieu naturel sans que les rapports ne mentionnent aucune anomalie. Et lorsque nous en avons attrapé quelques spécimens pour les élever, ils s’étaient révélés particulièrement affectueux.
- Affectueux, affectueux ! Vous ne trouvez pas qu’ils le sont un peu trop présentement?
- Je voulais dire... pas comme ça. Aucun rapport ne...
- Encore les rapports? Comment faut-il vous le dire? Les Kleads, et ça, c’est même dans les manuels pour vous qui aimez la paperasse, réagissent aux stimuli olfactifs !
- Justement, ils n’ont jamais réagi quand...
- MAIS COMMENT VOULIEZ-VOUS ? VOUS PORTIEZ DES COMBINAISONS HERMETIQUES !!!
- Ils... ne pouvaient pas nous sentir... en effet, ça explique des choses...
- *soupir* On avance... vous commencez à comprendre le problème ! Maintenant, puis-je savoir ce qui vous a pris de libérer vos Kleads captifs sur terre?
- Ils... se sentaient seuls dans leur cage? J’ai voulu leur permettre de se dégourdir un peu les pattes - imaginez, ils en ont huit ! – étant donné que nous faisions halte sur terre, et qu'en plus ils s'étaient adaptés à notre atmosphère...
- Vous en concluez quoi en voyant ça ?
- Que j’ai peut-être fait une bêtise...?
- (à lui-même) C’est le pire assistant que j’aie jamais eu...

Et c’est le coeur lourd, mais totalement impuissants, que le Docteur Dijon et son assistant observèrent l’humanité se faire dévorer, depuis leur cabine de protection...

11 septembre 2011

Jouer à la balle ?

Thème du JPH: écrire une lettre pleine de mauvaise foi, adressée à qui on veut, administration ou particulier.

*

Madame, Monsieur l'Officier du Ministère public,

Par courrier daté de ce 2 septembre, vous me signifiez que le véhicule immatriculé 1-ABC-965 se trouvait en excès de vitesse à 23h30 le lundi 29 août dans la rue des Ecoliers, au niveau du n°62.

Je suis parfaitement conscient qu'il s'agit d'une zone où la vitesse est limitée à 30km/h, et j'admets qu'il est fort probable que votre radar m'ait flashé à 39 km/h ce jour-là.

Il me semble néanmoins important de vous faire remarquer que cette limitation est due à la présence d'une école primaire. La cour de l'école n'étant pas complètement grillagée, il est fort compréhensible qu'un ballon puisse de temps à autre s'échapper et qu'un enfant inconscient du danger le poursuive sur la rue, sans penser à regarder si un véhicule s'approche ou non.

L'école se trouve au n°2 de cette rue. Au niveau du n°62 se trouve une caserne de pompiers. Le risque qu'un soldat du feu inconscient poursuive sa balle sans faire attention à la circulation routière me paraît beaucoup moins probable que la situation décrite précédemment.

En outre, j'aimerais vous faire observer l'heure et la date à laquelle j'ai été verbalisé. À cette heure, tous les enfants sont au lit il me semble. Aucun risque donc pour eux. Quant aux pompiers, j'avoue ne pas avoir vu de lumière dans la caserne lors de mon approche. Mais peut-être en effet aiment-ils à jouer dans le noir, pour ne pas déranger les voisins.

Ma vitesse n'était pas excessive au point de ne pas remarquer un pompier inconscient, et admettez que si réellement, ils aiment à jouer au ballon dans le noir lorsqu'ils ne sont pas en service, je ne pense pas que c'est moi qui devrait être tenu pour irresponsable, mais plutôt eux.

Je vous remercie d'avance d'examiner les éléments ci-dessus avant de m'envoyer ma contravention.

Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur l'Officier du Ministère Public, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

4 juillet 2011

Un seul être...

Le texte de cette semaine devait avoir lieu sur une île déserte. Un objet au choix devait être un élément important.

*

Sur la plage, un homme.
Il attend. Regard fixé sur l'horizon, poing serré, il attend. Et espère. Chaque jour un peu moins, chaque jour un peu plus. Tout espoir semble perdu. Alors il se met à croire en l'impossible. Un peu plus fort. Juste pour ne pas admettre la réalité.

Sur l'île, un naufragé.
Son avion s'est abîmé dans les flots. Près de cette île heureusement. Il s'est laissé dériver, se maintenant seulement d'une main à la surface des flots.
Beaucoup ont survécu. Ils sont maintenant certains à l'hôpital, d'autres à l'hôtel. On s'occupe d'eux. Il a refusé de quitter la plage. Malgré le monde, il est seul. Complètement.
Le poing serré, il fixe l'horizon. Il regarde le flux des vagues.

Sur la plage, un désespéré.
Le poing serré, il n'ose pas fermer les yeux. Ou très peu. Il veut la voir lorsqu'elle sortira de l'eau. L'espoir fait vivre dit-on. De temps en temps, on lui amène un sandwich ou un hamburger, qu'il mange de sa main libre.

You need some rest sir
Can I help you?


On lui parle, il n'entend pas. Il est seul. Seul sur cette île, seul au monde.

Sur cette île, il s'est perdu. Il a tout perdu.
Seul, il ne lui reste que ce collier, dans son poing serré. Elle, elle est au fond des flots.

20 juin 2011

Mal à droite

Consignes : les personnages principaux devront être la main droite et la main gauche d'un individu.
Il fallait également insérer un proverbe. Cherchez pas, je l'ai oublié.


*

C’est mon amie. Mon ennemie. Ma jumelle. Si semblables et pourtant si différentes. Opposées même.

J’avoue, longtemps j’ai été jalouse d’elle. Si habile, si souple, si douée. A coté, je faisais pâle figure ! J’ai toujours été trop timide.
Dès qu’une tâche demandant plus d’agilité m’échouait – ce qui était rare – je devenais nerveuse, me mettais à trembler, et finalement abandonnais.

Le second rôle m’a donc été attribué à vie. Toujours là à la seconder, un travail utile certes, mais dans l’ombre, celui que nul ne remarque.

Une fois, j’ai tenté de me venger, de renverser la situation. Nous étions en équilibre, tout reposait sur nous et notre habileté à travailler de concert. Une faiblesse passagère, pile au bon moment, et nous étions tombées, juste sur elle. Six semaines de plâtre, où le beau rôle allait me revenir.
Douce illusion ! Elle n’a été que plus admirée, recevant des petits mots et des signatures par dizaines sur le plâtre devenu multicolore. Sans compter sur le fait que je n’ai jamais réussi à tenir un crayon et écrire aussi bien qu’elle. Les autres actions réussissaient encore, quoiqu’à un degré plus faible, mais mon écriture est parfaitement illisible. J’ai compris la leçon, et ai gardé ma place.
Je me suis dévouée à fond dans mon attribution d’aide, et en ai même été récompensée. Parfois, l’effort était fait de me donner le rôle principal, et quoique maladroite, je m’y appliquais de toute mon âme. Cela nous a parfois permis de nous tirer de situations inconfortables, où il m’était plus facile d’agir qu’elle.

Depuis, je l’aide. Je tiens ce qu’elle manipule, je plante la fourchette dans la viande pendant qu’elle coupe, je tiens le livre pendant qu’elle en tourne les pages, je tiens le volant pendant qu’elle change de vitesse, je joue les accords et les arpèges tandis qu’elle pianote les mélodies. J’ai parfois un peu de regret, mais je sais que c’est là ma place, et elle me convient.

Malgré tout, aujourd’hui, c’est à moi aujourd’hui qu’on glisse l’anneau d’or. Et même si l’honneur de glisser son jumeau à la main qui nous est chère lui revient, c’est moi qui ai le bonheur de soutenir cette dernière, pour lui faciliter la tâche, et de la caresser.

5 juin 2011

Jour de pluie

J'ai pas encore vraiment trouvé le titre...

*


Un homme sous la pluie vient de s'effondrer.

Plus rien ne lui importe, son costume trempé, son retard probable à son prochain rendez-vous, son rhume certain. Il est là. Figé. Le temps s'est arrêté.

Un instant plus tôt, il marchait résolument, tête haute, sourire aux lèvres, fier et conquérant. Quelques secondes ont suffi à le briser.

Telle une statue, la pluie semble n'avoir pas prise sur lui. Son regard est fixe, il est insensible à ce qui se passe autour de lui.

Son portable lui glisse des mains et va s'écraser sur le bitume. Le bruit le ramène à la réalité, un peu. Il regarde les miettes de ce qui a été son téléphone, cligne des yeux, comme s'il se réveillait. Et là, il craque. Impossible de faire les deux pas nécessaires pour atteindre le banc public. Il tombe à genoux sur le sol inondé, plonge sa tête dans ses mains. La pluie masque les larmes, mais pas les soubresauts qui secouent ses épaules.

Un parapluie vient le protéger quelque peu, un passant attentionné. Il ne le remarque pas, ne le remercie même pas lorsque, longtemps plus tard, il parvient à se relever.

Il mettra des heures à parvenir à l'hôpital, ses jambes refusant de le porter. À quoi bon de toute façon ? Arriver plus tôt n'aurait rien changé. Elle était déjà morte. Il fallait juste le confirmer.
Il ressortira de l'établissement encore plus affligé, si cela est possible. Difficile d'affronter un accidenté de la route. Mais ce collier, il l'aurait reconnu entre mille. Il le lui avait offert le matin même, pour leur anniversaire.

3 mai 2011

Face de lune

Un texte que j'ai écrit pour un concours. Je n'ai pas été sélectionnée, donc autant en profiter pour le mettre quelque part.
Aucun regret, y avait du bon qui participait (n'est-ce pas Yun?)
Les deux premières phrases étaient imposées.


*

Je me suis réveillé avec la marée. Sans doute l’influence du milieu aquatique sur mon cerveau dérangé. Habituellement, je ne me réveille jamais avant marée montante et demi. Au moins. Mais il y a tellement d'eau ici, les rayons se font fortement sentir. Comment les habitant font-ils pour supporter cela ?

Une nuit à peine, et la lune me manque déjà. Mais je n'ai pas le choix, ils me cherchent. Je le sais. Là-haut, ils étaient partout, tout le temps, ils me surveillaient. Jamais je n'avais un instant de répit. Ah, ils se croyaient discrets, ils pensaient que je n'avais rien remarqué. Ils se trompaient. Et maintenant, j'ai réussi à leur échapper.

La nuit passée, juste avant la fermeture, au lever du jour, je me suis glissé dans la Station et ai descendu le premier rayon de Lune pour m'enfuir sur Terre. Ils ne me chercheront pas ici.

Il fait humide. J'ai froid. Pourquoi y a-t-il tant d'eau sur cette planète ? De l'eau en bas - et quelle étendue - de l'eau en l'air. En comparaison de la sécheresse lunaire, le choc est rude. Ils devraient faire comme nous, émigrer et évaporer l'eau nécessaire à leur survie. Ils ne peuvent quand même pas apprécier ça, si ?

Je n'arriverai plus à dormir. De plus, il vaudrait mieux que je me mette en quête d'un abri. Qui sait si mes poursuivants n'ont pas des espions terriens...

Par où aller? Face à moi, l'océan – j'ai eu de la chance avec mon rayon, quelques kilomètres plus à l'ouest et je n'avais même pas droit à la terre ferme -, derrière, des montagnes. Je distingue un groupe d'habitations plus loin, et j'ai faim. Espérons qu'il y ait un day-shop, en plein jour, trouver une échoppe ouverte n'est pas toujours facile.
Le hameau n'est pas bien grand. Quelques lieux de vie, un lieu de restauration, un fournisseur de nourriture. Étrangement, tout est ouvert. Attiré par l'odeur, je rentre dans la boutique du fournisseur. « Au croissant d'or » que ça s'appelle. J'imagine des croissants de soleil. Quelle idée...

- Bonjour monsieur, qu'est-ce que je vous sers ?

- Devant toi je me présente, cher tenancier
Et te demande de m'aller quérir de quoi manger

Allons bon, qu'est-ce qui se passe encore ? Pourquoi il me regarde comme ça le terrien ? Il avait l'air gentil juste avant, avec son visage rond et rouge, son tablier plein de farine.
Il n'a pas compris peut-être ? Ah, on a peut-être l'habitude de vouvoyer les inconnus ici... Je retente.

- Devant vous je me présente, affamé
Et vous prie de me prendre en pitié
Car j'aimerais me sustenter

Pas plus d'effet... C'est mauvais signe.
Il semble prostré, les yeux grand ouverts il me regarde.

- Papa, il y a un problème ?

Une jeune fille vient d'entrer. Elle regarde tour à tour l'homme et moi. Ses yeux... d'un bleu limpide.

Le terrien a repris ses esprits, il se met à parler.

- Je ne suis pas sûr d'avoir compris monsieur, vous voulez acheter du pain ?

- Non... non, tout va bien je vous assure
Je me débrouillerai, soyez-en sûr

Ils ont des espions ici aussi. Vite, partir, fuir. Loin d'ici.

Une dame sort d'une habitation, me regarde. Elle ressemble à la jeune fille, en plus âgée. Sa mère... les mêmes yeux ! Combien sont-ils ?

Je fais demi-tour et cours à perdre haleine sur la route. Le sol se met à trembler sous mes pieds. Que se passe-t-il encore ?
Dans un crissement insoutenable à mes oreilles, un énorme véhicule s'arrête à côté de moi.

- Eh mon gars, qu'est-ce tu fiches là ? On croirait qu't'es poursuivi par le diable !

D'où vient cette voix ? La panique, qui m'avait comme statufié un instant auparavant, se dissipe, ce qui me permet de distinguer une tête quelque part au dessus de moi.

Il me sourit, il ne semble pas antipathique.

- Vous avez vu juste, cher ami
Car je cherche à m'éloigner ici
Le plus vite serait le mieux
Il me vient une peur de ces lieux

Qu'est-ce qu'ils ont tous à me regarder comme ça ? Ah, il éclate de rire.

- T'es un marrant toi mon gars, allez, monte, j't'embarque : direction la ville.

Une porte s'ouvre et j'y grimpe. Ce véhicule est très étrange. Très haut, très grand, très bruyant. Pourtant, seule la partie avant est accessible.

Le voyage s'est bien passé. Le terrien sent un peu mauvais et parle fort, mais il est sympathique. Il m'a lancé un drôle de regard lorsque je lui ai demandé une couverture, il ne semblait pas comprendre que j'avais froid. Il a prononcé un mot que je ne connais pas : canicule.

Et ils sont étranges sur cette planète ! Ils dorment la nuit et vivent le jour. Seraient-ils adorateurs du Soleil, alors que c'est à la Lune, à nous, qu'ils doivent tout ?

Raoul, le camionneur – c'est lui qui m'a donné son nom et sa fonction –, me regarde de plus en plus étrangement. Dans ses iris marrons brille une lueur d'inquiétude... je crains de voir une lueur claire y apparaître, mais ce n'est pas encore le cas. C'est un ami. Un vrai terrien, pas un espion. Non, je le saurais.

On s'arrête. Je commence à comprendre leur fonctionnement ici, mais la nuit est encore loin pourtant. Que fait-on ?

- Terminus mon gars. On est arrivé.

- Très cher ami
Je suis votre obligé
De m'avoir emmené
Jusqu'ici
Permettez-moi de payer
L'embarras consenti
Par quelque quatrain ou tercet

- Euh, ouais, ouais, c'est ça. Descends maintenant.

La porte s'ouvre, et des terriens, tous de blanc vêtus, m'attrapent sans que j'ai le temps de me débattre.

Je hurle.

- Traitre ! Fourbe ! Scélérat !
Ainsi donc ils se sont servis de toi !
Comment as-tu pu oser
Je te croyais mon allié !

Je suis entravé, lié, je ne peux plus bouger. Des terriens passent et repassent, m'examinent, me touchent, me posent des questions.
Ils m'ont même enlevé ma couverture. J'ai froid.

Ça y est, ils m'ont enfermé. La seule fenêtre donne au nord, jamais plus je ne verrai la lune.
Ils m'ont eu. Je croyais leur avoir échappé, je suis tombé dans leur piège. Je savais qu'ils en avaient après moi. Ils m'ont eu.
La preuve : celui qui m'a dit être mon « médecin » a les yeux bleus.

9 avril 2011

Tablier

Eh Luna, je me remets à parler chiffons !

*

J'ai rangé mon tablier. Je ne l'utiliserai pas cette fois-ci.

C'est mon joli tablier, à grosses rayures noires et blanches, il donne un air sérieux. Je l'utilisais lorsque je préparais des banquets, sous ta direction. Après une journée entière en cuisines, et souvent c'était moi qui m'occupais de la cuisson et des fritures, c'est dire si j'étais peu présentable, tu m'envoyais prendre une douche, me faire jolie comme tu disais, et je faisais le service en salle.
Une jupe noire, un chemisier blanc, et ce tablier, replié pour l'utiliser en demi-tablier. J'avais l'allure d'une vraie serveuse, et toi avec ta jambe raide, tu supervisais les derniers préparatifs en cuisine.
On faisait une bonne équipe avec toi. Tu gérais tout jusque dans les moindres détails, chacun savait ce qu'il avait à faire.

Tu ne fais plus de banquets...

C'est pour ça que ce week-end, je me faisais une joie de reprendre du service.
Lorsque j'ai appris tous les problèmes que rencontraient les futurs mariés, je n'ai pas hésité à proposer mon aide. Et rappeler lorsque ma tante m'a dit qu'elle était débordée.
Finalement, je n'irai quand même pas. Je ne suis pas invitée de toute façon.

Et je me rends compte que mon insistance pour aider est comprise comme une tentative de m'inviter à une fête à laquelle assisteront beaucoup de mes amis, surtout que je connais bien la mariée.

Je ne suis pas jalouse, je sais qu'ils ne peuvent pas inviter tout le monde. Et même si j'espérais sans doute le voir, mon envie d'aider, et uniquement aider, était sincère. J'aime cuisiner et servir.

Je n'irai pas aider. J'ai rangé mon tablier.

28 mars 2011

Folie chocolatière

Je... ne suis pas sûre d'assumer ce texte, écrit par grande fatigue et en état de manque (je suis un tout petit peu accro au chocolat), le tout limite déjà en retard pour rendre la participation au jeu...
Le thème? Oh, si simple... une créature imaginaire et uniquement des verbes en -er... dire que c'est moi qui ai insisté pour qu'on garde la deuxième règle...

Je ne voulais pas de votes (sérieusement, c'est super mal développé, j'aurais dû au moins expliquer le lien entre Cthulhu et les rêves...), je n'en ai pas eu. Merci.


*

Le vaisseau approchait enfin l’océan de l’inter-espace. Je n’arrivais pas à déterminer si j’en étais soulagé ou non. L’équipage était énervé depuis la dernière pluie de météorites, le temps semblait passer beaucoup trop lentement et certains membres donnaient l’impression qu’avant peu ils s’entretueraient, ne supportant plus la vie en communauté.

Mais je n’oubliais pas non plus que nous allions au-devant d'une situation encore pire que cette ambiance inconfortable. Le grand Cthulhu n’était pas porté à l’amabilité et la gentillesse lorsque quelqu'un osait entrer dans sa propriété. Combien plus une délégation le priant de retourner sur Terre, dans sa demeure sous-marine.
La folie guidait sans doute nos pas, à l'arrivée se trouvait sans doute la mort, mais nous continuions, bravement. Pas le choix.
Mais, prévoyants, nous avions malgré tout emmené à bord des quantités de chocolat suffisantes que pour l’amener à au moins nous écouter.

L’océan interespacial, immense, dégageait une profonde sensation de sérénité. Étrange lorsque l’on songeait à ce qui la peuplait.

Enfin nous arrivâmes devant le grand Cthulhu et lui exposâmes notre requête. Enfin… tenter plutôt qu’exposer réellement. Il ne nous en laissa pas le temps. Lorsqu’il remarqua l’offrande de chocolat, il l’avala en une bouchée, s’installa dans le vaisseau et exigea qu’on le ramène sur terre, car il avait oublié à quel point la nourriture y abondait, et à quel point il raffolait du cacao.

Le long voyage de retour commença, et avant longtemps, tous furent soulagés de constater qu’ils pouvaient à nouveau rêver. Cela décontracta même tant l’atmosphère à bord que le voyage retour nous sembla trop court.

23 mars 2011

Une nouvelle section ?

Extraits de livres qui m'ont plu et citations diverses.


*

- Pitié ! s'écria Gandalf. S'il faut continuer à donner des renseignements pour guérir votre curiosité, je passerai le restant de mes jours à vous répondre. Que voulez-vous encore savoir?
- Les noms de toutes les étoiles et de toutes les choses vivantes, et toute l'histoire de la Terre du Milieu, du Super-ciel et des Mers Isolantes, répliqua Pippin, riant. Bien sûr ! Quoi de moins?

JRR Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, Les deux tours (p.271)

28 février 2011

La petite boulangère.

Les organisateurs du jeu sont fous. Cette fois-ci, le thème était de s'inspirer de deux photos, et d'insérer dans le texte deux alexandrins, rimant entre eux et séparés de minimum 500 caractères.

*

Elle est gentille la petite boulangère du coin de la rue. Toujours souriante, toujours le mot gentil aux clients. Elle se souvient du nom de tous les habitués.

Elle est mignonne la petite boulangère. Et elle a toujours de bonnes idées, qui satisferont les jeunes boutonneux comme les mémés.
Parce qu'elle sait que lorsque les amoureux sont à l'honneur, tout n'est pas rose pour tout le monde. Elle est bien obligée de faire des gâteaux spéciaux, ils sont tout jolis, mais elle les fait surtout sur commande. Et dans la boulangerie, elle a installé un grand panneau. Très grand. Où chacun peut écrire un mot gentil, un message personnel.

Le tableau, il est bien rempli. Elle a eu beaucoup de clients aujourd'hui. Là, un ado a écrit « Véro, je t'M », ici, Madame Gérard la remercie pour les croissants. Puis son regard est attiré sur une unique phrase, écrite en turquoise :
« Se voir le plus possible et s’aimer seulement »

Son cœur manque un battement. Elle n'a jamais été férue de poésie, du mal avec les rimes sans doute, et l'exercice de style. Quitte à en lire, autant les vers libres. Prévert. Ça sonne plus naturel à ses oreilles.
Mais ce poème-là, très précisément, elle le connaît. Elle pourrait le réciter entièrement, de mémoire. Le vers clignote devant ses yeux, résonne à ses oreilles. Et puis soudain, son corps se souvient de respirer, son esprit est envahi de questions : qui ? Pourquoi ?

Elle a beau chercher parmi les clients de la journée, elle n'a aucune idée de l'identité de l'auteur du message. Elle ne reconnait pas l'écriture non plus. Il y a eu tellement de clients, quelques inconnus aussi.
Follement, elle se met à espérer que ce serait peut-être cet habitué dont elle connaît à peine la voix, mais dont les yeux sont si troublants. Il articule à peine un merci lorsqu'elle le sert, mais elle voit le sourire dans le fond de ces iris vert amande. Bien habillé et discret, elle aime bien le croiser.
Comment savoir ?

Le lendemain, en lieu et place d'offre du jour sur son ardoise sur le comptoir, un vers, à la craie bleue :

« Vivre à deux et donner son cœur à tout moment »

Elle a bien l'intention de regarder attentivement la réaction de chaque client. Elle découvrira sans doute qui est le coupable.

Entre l'habitué. Sa grande taille rend sa démarche un peu gauche, elle trouve ça charmant. Son regard se pose sur l'ardoise, et ses yeux s'agrandissent de surprise à la lecture du contenu, l'espace d'un instant. Elle s'étonne de la quantité de choses qu'il est possible de lire sur son visage si expressif.
La boulangerie est vide, par chance. Il la regarde, et lui sourit vraiment pour une fois.

« Je m'appelle Alfred ».

Elle sourit.

31 janvier 2011

Fille de la lune

Le sujet du jeu : l'homme ( ou la femme ) qui a deux ombres.
Des maladresses, je reprendrai ce texte dès que j'aurai un meilleur accès informatique.

*

Je les admire. Je les envie. Je ne les aime pas. Elles m'indiffèrent. Je ne sais pas...

Elles, ce sont les filles du soleil, comme je les appelle. Deux modèles : d'un côté, la blondeur des blés, les yeux bleu lagon, le teint de pêche. De l'autre, les cheveux noir de jais, des yeux en amande si foncés qu'on s'y perd, la peau naturellement hâlée toute l'année, et le charme oriental.
Deux genres, une seule admiration. Elles sont superbes, elles brillent, on n'admire qu'elles.

Entre ces deux extrêmes, il y a moi. Enfin, pas que, mais bon. Côté physique, c'est plutôt d'une banalité consternante. Et surtout, que personne ne remarque. J'ai l'impression que toutes les couleurs se sont mélangées dans mes cheveux, pour un résultat assez particulier. Pas moche, je n'en changerais surtout pas, mais pas exceptionnel. Et c'est pareil pour le reste. Une peau trop blanche, qui ne rougit même pas, quoi qu'il arrive.
Fille de la lune, en opposition avec les autres.
Je trouve la comparaison intéressante. J'aime la nuit. La lumière est pas pareille, les gens sont plus égaux dans cette obscurité. On voit moins bien les différences.

Et l'obscurité qui recouvre tout et tout le monde efface les ombres. Et j'ai alors l'impression d'être comme les autres. Une seule ombre, commune à toute la ville. Moi, j'en ai deux.
Pas au sens littéral, non. J'en ai une physique, en fonction de la lumière, et une intérieure. Dans le cœur. C'est Sa faute. Quand Il est parti, comme ça, sans prévenir, c'est comme si le soleil à l'intérieur de moi s'était éteint. La nuit s'est installée dans mon cœur. Tout est devenu froid en dedans.

Je me suis blottie dans cette obscurité, la nuit est mon amie. Dans l'ombre, on voit moins la douleur. Depuis quatre ans qu'Il a disparu, je m'y suis habituée. Ça fait encore mal, mais pas comme au début. L'ombre, ça répare à l'intérieur.

N'empêche que ça me fait une ombre en trop. Et je ne peux me débarrasser d'aucune. Donner une ombre réelle, à qui sauf à Peter Pan? Et c'est moi qui passerais pour ne pas en avoir ensuite, donc fausse bonne idée (surtout qu'il faudrait le trouver).
Et l'interne, à qui aurais-je la cruauté d'offrir de la douleur? Même à un ennemi, je ne souhaite pas ça. Sans compter que ça pourrait ne pas fonctionner. Transmettre une douleur, c'est peut-être une copie plus qu'un transfert qui s'effectue, ça n'a jamais été tenté. Autant ne pas risquer l'expérience.

Une nuit, je me promenais dans le cimetière. J'étais allée Le voir, comme souvent. Je ne suis pas de celles qui oublient rapidement.
Comme souvent, après, je flâne entre les arbres, à la faveur de la lune. Je connais les allées, je pourrais y marcher les yeux fermés. Mais j'ai buté contre un obstacle inconnu. En me relevant, j'ai vu qu'il s'agissait d'un homme, agenouillé. La pierre devant laquelle il était était neuve. Et double. On a un peu discuté.

Pour chasser l'ombre, il faut de la lumière. Et dans mon cœur, je sens que l'aube se lève.

17 janvier 2011

Mademoiselle

Thème du jeu : écrire un dialogue entre un minéral et un végétal. Possibilité d'inclure un tiers maximum de texte non dialogué, réparti à notre guise.
Et d'avance pardon pour le manque de présence, je n'ai plus d'ordi.


*

- Une alliance des plus réussies !
- Je ne vous le fais pas dire cher ami. Bien mieux que les tentatives précédentes.
- C'est vrai que nous sommes passés par des associations moins bien réussies.
- J'aurais tendance à dire que c'était dû au fait que je n'y étais pas assez représenté ?
- Pardon ? Que voulez-vous dire par là ?
- Ce que je veux dire, c'est que je suis la base de notre tout. Il fallait la chaleur que je procure - car vous en conviendrez, le bois est chaleureux - et une structure suffisante pour apporter la stabilité nécessaire à notre collaboration.
- C'est ça, et le métal peut aller se ranger, c'est ça ?
- Oh, mon cher, que du contraire ! Si je vous ai offensé, veuillez m'en excuser, ce n'était nullement mon intention. Vous êtes la pièce maîtresse, sans vous, je ne serais qu'une simple structure, jolie peut-être, mais parfaitement inutile. J'ai besoin de votre présence et de vos propos affûtés. D'ailleurs, les gens ne voient que vous.
Je ne suis là que pour vous mettre mieux en valeur, vous soutenir de toute ma force centenaire.
- Je comprends mieux, et en effet, nulle raison de s'offusquer. C'est vrai que lors des précédents essais, lorsque vous n'étiez réduit qu'à un simple bâton, quelle catastrophe !
Ici, vous m'encadrez, me guidez. Ni notre but ni moi ne pouvons dévier. Impossible de rater notre cible en ce cas.
- C'est aussi mon avis. Bien mieux que lorsque nous étions manipulés par des mains malhabiles. Ces humains peuvent tellement trembler !
- C'est préférable qu'ils n'aient plus qu'une corde à laisser choir.
- Ah, quelqu'un vient ! Nous allons pouvoir prouver notre efficacité !
- Je n'ai aucun doute de notre réussite, vous souvenez-vous de ces essais ?
- Oh oui, et comment donc.

Et pendant que le premier homme montait sur l'échafaud, il ne put s'empêcher de regarder avec appréhension la lame qui allait quelques instants plus tard lui trancher la gorge.
C'est que la mademoiselle agissait rapidement et proprement...