31 décembre 2009

Les papillons

Deux photos qui ont participé à des petits jeux amicaux. La première est modifiée (ajout de flou et de noir et blanc), la deuxième est vierge de toute retouche.
Les deux photos ont été prises le même jour, lors de la visite d'une réserve de papillons.


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21 décembre 2009

Famine

Cette fois-ci, il fallait raconter un conte connu - Le joueur de flûte de Hamelin - du point de vue d'un personnage secondaire de l'histoire.

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Chaque soir, Aliénor faisait et refaisait ses comptes, inlassablement, désespérément.
Et chaque nuit, sans exception, elle finissait par se prendre la tête dans les mains, et pleurer. Elle était ruinée. Les rats, ces saletés de vermines qui avaient envahi la ville, avaient mangé toute sa maigre récolte. Elle n'avait plus rien à manger, elle n'avait plus d'argent. La fin était sans doute proche.

Ce soir-là n'échappa pas à la règle. Elle se retourna pour regarder dans le lit, son petit garçon endormi. Pauvre petit, la faim est quelque chose de difficile à vivre. Et elle savait qu'elle ne pourrait supporter de le voir souffrir. Mais que pouvait-elle faire ? La vie était dure pour les jeunes veuves, elle n'avait aucune aide, et son fils était trop jeune que pour travailler.

Cet homme, qui avait fait disparaître les rats, n'avait pas fait repousser les récoltes. Il lui faudrait attendre plusieurs mois avant que les nouvelles récoltes ne poussent, et qu'allait-elle faire entre-temps ? Seule, elle y parviendrait sans doute, difficilement, mais elle saurait s'en sortir. Mais son petit ? Son enfant, qu'elle chérissait, comment le nourrirait-elle ?

A sa table, comme chaque soir, au creux de la nuit, l'esprit d'Aliénor s'enfuyait. Elle imaginait alors des solutions, chacune plus horrible que la précédente. Elle secouait la tête, se raisonnait. Non, même mourante, elle ne se résoudrait jamais à manger son fils, ni lui faire quoi que ce soit. Elle chassait bien vite ces idées.

En désespoir de cause, elle voulu aller trouver le bourgmestre, lui expliquer sa situation. Il mangeait à sa faim lui, malgré les rats. Mais il était réputé pour être sans cœur. Comprendrait-il, ou la renverrait-il ? Elle ne savait pas, elle ne savait plus. Mais c'était son dernier espoir.

Elle croisa le dresseur de rats, leur sauveur. Et là, l'idée qui lui était venue pendant la nuit se rappela à elle, insistante, envoûtante. La faim la tiraillait, elle ne savait plus où elle en était. La fin était proche. Bientôt, elle serait morte, et si elle n'était plus là, qui s'occuperait de son enfant ?

Alors elle changea quelque peu son discours au bourgmestre. Rusa.
Et attendit le joueur de flûte, qui s'entretint avec lui juste après. Comme elle s'en doutait, il était en rage, ses quelques écus en main. Elle lui adressa quelques mots également. Convint de la difficulté de sa situation, et qu'il devait se venger.

Puis attendit. Chaque soir.
Quelques jours plus tard, ce furent les enfant qui ne revinrent pas. Ils disparurent, à tout jamais. Le sauveur floué s'était vengé.
Et elle survécut, faisant taire sa conscience en se disant qu'au moins, son fils n'avait pas souffert...

8 décembre 2009

Le passage à niveau.

Et encore un JPH.
Les consignes : le texte devait s'inspirer d'une photo, être écrit en SIL (style indirect libre), et il fallait y faire figurer une feuille de papier bleu, pliée en quatre.


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Il avait toujours été le plus prudent, et elle le savait. Il traversait sur les passages cloutés, après avoir regardé de chaque côté de la route. Et jamais il ne serait passé si le feu était rouge, même s'il n'y avait aucune voiture à l'horizon.

Parfois, elle trouvait qu'il en faisait un peu trop, mais mieux valait ça que trop peu et risquer sa vie, c'est vrai. Elle était bien imprudente pour deux la plupart du temps. C'était le cas ce jour-là. Il lui avait donné rendez-vous sous le vieux chêne dans le parc. Elle n'avait pas compris. Que lui voulait-il ? Ils n'avaient aucun cours à réviser ce jour-là, et puis ils révisaient rarement en plein air. Parfois, avant les examens de fin d'année oui, c'était plus agréable. Ils s'installaient alors près de cet arbre, un peu à l'écart du reste du parc, et ils étudiaient. Elle l'aidait pour la physique, il l'aidait pour l'anglais. Elle n'y comprenait rien, une langue étrangère, ce n'était pas assez logique pour elle, alors ça ne rentrait pas. Rien à faire, il y passait des heures pourtant.
Le parc donc. Elle l'y avait retrouvé. Il l'attendait, nerveux, il ne tenait pas en place, c'était rare pour lui, si calme d'habitude. Dans sa main, un papier, plié en quatre. Bleu. Sa couleur préférée. Il l'avait regardée dans les yeux, et le lui avait tendu. Apparemment, sa voix faisait défaut. D'où la lettre. Perplexe, elle l'avait rapidement dépliée pour la lire. Elle devait être également nerveuse, elle avait tenté de le lire à l'envers la première fois, sans s'en rendre compte.
Son cœur s'était arrêté de battre à cet instant précis... ou battait la chamade, elle ne savait plus. Lui non plus. Les mots étaient simples et beaux. Et criants de sincérité. Quand elle releva les yeux, il la regardait toujours, encore plus nerveux que quelques minutes auparavant. L'instant avait été magique. Ils avaient ensuite décidé de se promener main dans la main, tout simplement.

Puis ils étaient arrivés à ce passage à niveau. Abaissé, un train allait arriver. Ils avaient donc attendu, sagement. Une fois le train passé, elle en avait eu marre. À quoi bon attendre que les barrières se relèvent, il n'était plus là, ils ne risquaient plus rien !
Il avait bien sûr attiré son attention sur le panneau. "Un train peut en cacher un autre". Bien sûr ! Foutaises ! Dans leur campagne perdue, il y avait maximum deux trains par jour qui passaient, ils n'allaient pas justement le faire à la même heure quand même !
Elle s'était radoucie, se rapprochant de lui. Lui plaquant un baiser sur la joue avant de s'encourir de l'autre côté. Qu'il la rejoigne donc !
Il avait hésité une fraction de seconde, mais l'avait finalement suivie.

Un train peut en cacher un autre... mais pourquoi était-il passé celui-là ? Il avait traversé, mais n'était pas encore assez éloigné des rails... le souffle du train, passant à toute vitesse, l'emporta, sous ses yeux impuissants. Elle avait hurlé.

Dans sa main, cette feuille bleue, témoin de leur idylle naissante, froissée. Jamais elle ne la perdrait.

Ils avaient 16 ans. Elle seule était restée, avec ce poids trop lourd sur la conscience...