Il fallait écrire sur le thème de la culpabilité, en insérant cette phrase : "Elle serra de plus belle le livre contre elle comme pour le protéger."
*
Recroquevillée dans un coin, tête basse, beaucoup passaient près d'elle sans la voir tellement elle se fondait dans le décor, vêtements sales et cheveux sombres et emmêlés sur fond de béton.
Elle savait pourtant qu'elle ne pourrait pas rester là indéfiniment. Il allait lui falloir bouger, ne fût-ce que parce que ses jambes s'ankylosaient et qu'elle commençait à ne plus sentir ses pieds transis de froid.
Mais elle ne pouvait se résoudre à bouger. Chaque instant, elle croyait voir l'étoffe d'un uniforme et se tassait encore plus, craignant plus que tout d'être remarquée, embarquée, interrogée, enfermée. Quoiqu'elle serait probablement plus à l'abri au poste que dans ces rues glaciales, où la plupart des gens ne faisaient que passer, rapidement, chaudement emmitouflés avant de regagner leur demeure où un feu et un repas chaud les attendaient certainement.
Devait-elle se dénoncer?
Son cœur battait si fort contre sa poitrine qu'il en était douloureux. Elle était gelée.
Au même rythme que son cœur, un mot martelait ses pensées, inlassablement. Elle en devenait folle.
Matricide.
Elle n'avait pas le droit d'aller se dénoncer. La peine serait trop clémente. Elle serait à l'abri du froid et de la faim dans une cellule. Elle méritait la même peine qu'elle avait infligée à sa propre mère. Ils ne pouvaient pas, ne devaient pas la trouver.
Ils n'allaient pas tarder à découvrir le corps congelé de sa mère, quelques rues plus loin.
Son regard était dirigé sur le livre qu'elle tenait sur sa poitrine, les yeux baignés de larmes. Seule pièce à conviction de son acte ignoble. Elle ne maîtrisait plus les tremblements qui secouaient son corps frêle. Elle se sentait partir.
Une main se posa sur son épaule. Elle serra de plus belle le livre contre elle comme pour le protéger. Un mouvement instinctif. On lui parlait, mais elle ne bougeait pas. Elle ne pouvait plus. Son corps refusait d'obéir.
Elle sentit qu'on avait posé une couverture sur ses épaules, qu'on la transportait. Elle ne sentait plus rien, était comme hors de son corps... Jamais elle ne lâcha le livre... Ni ne sécha ses pleurs, même inconsciente.
À l'hôpital, où on s'occupa d'elle, l'infirmière la plus patiente, celle qui prit le temps d'écouter les mots murmurés entre deux sanglots, éprouva de la compassion pour cette fille de 14 ans, mise à la rue avec sa mère, et qui se sentait coupable de la mort de cette dernière, pour avoir refusé de brûler le dernier livre qu'il leur restait, son seul trésor. Un livre pour une vie.
Et elle se mit à parler à l'enfant inconsciente et délirante, lui assurant qu'un livre n'aurait probablement rien changé à la situation. Espérant que, la conscience apaisée, son corps accepterait de se rétablir...
13 février 2012
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3 commentaires:
Très beau texte, bien ancré dans la réalité.
La culpabilité des enfants est bien comprise, mélange de candeur et du sentiment diffus, mal appréhendé, du sens des responsabilités et des priorités.
Tu as décidé de nous faire pleurer, vilaine.
À ce point?
Pourtant, ça finit assez bien non?
Quelqu'un m'a fait la remarque qu'il aurait préféré que je laisse crever la gamine...
Non la gamine sauvée c'est normal ... Mais c'est malheureusement très vrai cette histoire, est ce que l’infirmière elle sera réelle pour tout ceux qui sot comme cette pauvre fille aux allumette moderne !!!
Mais sinon c'est un truc à faire pleuré :
- tu l'a laisse mourrir, tout les fan de Saw se bidonneront de rire à en pleurer
- avec l’infirmière elle arrive à grand mal à se remettre sur pied, et on pleure et admire son dévouement et son courage
- elle se remet vite et épouse un GRB (grand riche et beau xD)et on a le reflux du Charming Prince qui revient avec la petite larme à l'oeil vite refoulée et critiquée ^^
Bref, assez papoté pour rien
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