9 novembre 2009

Die Wende

Ma participation à l'appel à textes de Léonie Colin, sur le thème des murs.

*

Un bruit sourd me vrille les tympans. Juste à mes côtés, quelqu'un lève une seconde fois sa masse pour l'abattre contre le béton. Je le regarde.
D'autres, maintenant encouragés, se joignent à lui. Tous les moyens sont bons. Pioche, masse, tout y passe. Chacun veut y aller de sa participation, pour pouvoir dire, dans quelques années : "jy étais".
Oui, j'y étais. Moi aussi j'y suis. Partout, des gens se pressent, se bousculent, rient. Chacun aura fait tomber son morceau de caillou. Chacun aura participé à cet événement qui restera gravé dans les mémoires.

Hier au soir, la Brandebourg a été ouverte. Il n'y a plus de frontière. Nous sommes libres, enfin.
Je reste face à cette porte, qui n'a plus lieu d'être. D'ici peu, le mur qui l'entoure ne sera plus que ruines. Un peu plus loin, quelques notes s'élèvent. Un violoncelliste est présent. Il participe lui aussi, à sa manière.
D'autres, plus pressés, escaladent, ne prennent même plus la peine de frapper contre ce mur. Ils veulent passer de l'autre côté.

Je suis heureux aussi. Enfin... je devrais l'être. Le Mur est ouvert, enfin. Et bientôt, il ne sera plus. Je devrais être heureux que ce pour quoi nous nous battons depuis tout ce temps devient enfin réalité. Mais aujourd'hui, je ne peux pas.
Hier, avant qu'ils annoncent l'ouverture du Mur, je suis venu ici. Comme tous les soirs. Pour te faire signe. Pour te voir. Mais hier, tu n'es pas venue. C'était la première fois depuis toutes ces années. J'ai attendu longtemps, mais tu n'es pas venue.

Alors aujourd'hui, au lieu de me réjouir avec les autres, la seule chose à laquelle j'arrive à penser est : "Pourquoi pas hier ? Pourquoi juste un jour trop tard ?"
Je ne te reverrai pas. Et avec cette conviction, c'est ce qui m'a tenu en vie, ici, du mauvais côté, qui s'en va.

*


Les faits sont réels. C'est Rostropovich qui jouait sur le Mur.

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