26 septembre 2009

Rien de pire

Faut pas me laisser seule avec mes délires...

*

Il n'est rien de pire que de passer une soirée entière à attendre quelqu'un. Surtout si sa venue n'est qu'hypothétique. On espère, simplement. Et le manque de certitude ajoute à la nervosité.

Il est tard maintenant. Beaucoup trop tard. Tu ne viendras plus. Ce n'est plus possible. Pourtant l'angoisse persiste. Elle s'est insinuée en moi, fait partie de moi depuis quelques jours. Depuis l'annonce de cette soirée, et de l'espoir de peut-être t'y rencontrer. Mon estomac se contracte, se tortille, m'empêche de penser à autre chose.

Je n'arrive pas à profiter de la soirée. Elle pourrait être bonne pourtant. De la musique, une compagnie agréable pour des conversations qui le sont tout autant. Je feins, mais je n'arrive pas à me convaincre. Et je ne sais pas si dans ce cas, j'arrive à convaincre les autres. Je discute gaiement, j'écoute la musique et je trompe ma nervosité en aidant au service. Mais toujours, il faut que je me tourne vers cette porte, dans l'espoir de te voir apparaître. Espoir vain, je le sais, mais je ne peux m'en empêcher.
On me voit bien distraite, on se demande ce qui m'arrive, je ne dis rien. Ils ne comprendraient pas je pense.

Il est tard, mais je n'arrive pas à me résoudre à partir, à dire que je suis fatiguée, que je rentre chez moi. Alors je reste là, et j'attends.
Il est beaucoup trop tard maintenant. Tout le monde est parti. La vaisselle presque finie. Mes yeux se ferment malgré moi tandis que j'essuie les verres. Et pourtant, toujours cette porte. Cet espoir. Je me traite d'idiote, je ne sais pas m'en empêcher malgré tout.

Non, rien de pire que d'attendre si ce n'est de ne plus rien à avoir à attendre. Ni personne.
Du verglas sous les roues, ta voiture qui dérape.
Rien de pire.

24 septembre 2009

Week-end évasion

Et on se demande pourquoi je voulais pas rentrer...

14 septembre 2009

NPC*

JPH n°69 :
Ecrire une page de journal intime d'une personne vivant à une époque différente de la nôtre, soit dans le passé, soit dans le futur, où le narrateur (ou la narratrice) raconte une expérience nouvelle pour lui (ou pour elle).
Contrainte supplémentaire : votre texte ne devra présenter aucun caractère "coquin".


*

#4856
Ça y est, je me suis décidé aujourd'hui. Je suis allé au Centre NPC. Le coût est là, mais ça en vaut la peine, j'en suis sûr. Tout le monde en a un, et depuis le temps que j'en rêvais... Je le recevrai dans une semaine !
#4857
Mon Clone de Compagnie est arrivé à la maison. C'est bizarre, je ne me voyais pas si grand.
C'est un soulagement de savoir que je n'aurai plus dorénavant à m'occuper du ménage et de la cuisine. Plus besoin de séduire une fille toutes les deux à trois semaines sous un prétexte idiot, juste pour qu'elle passe quelques jours à la maison et le fasse à ma place. Le bonheur !
Et surtout, je vais pouvoir revoir Analya. La vraie, la seule qui compte. La seule que je n'arrive pas à avoir. J'irai dans sa boutique demain après le boulot. J'ai le temps maintenant.
#4858
J'ai réussi à avoir une discussion normale avec Analya. On a bu un verre ensemble. Il semblerait que ça lui ait plu.
Fait étrange : le Clone est sorti dans la rue aujourd'hui. Pour relever le courrier. Je pensais qu'ils étaient programmés pour ne pas sortir de chez eux.
#4859
J'ai obtenu un rendez-vous avec Analya ! Je vais réserver dans le plus beau restaurant de la ville !
#4860
Mauvaise idée de lui avoir parlé du clone, elle semble tout à fait contre cette pratique. Je lui ai dit qu'il fallait vivre avec son temps. Je pense qu'elle est partie fâchée.
#4861
Le Clone m'a demandé comment c'était le travail et s'il pouvait un jour essayer. J'ai refusé.
#4862
Il y a un problème avec le Clone, c'est certain !
Je pense que je vais m'en débarrasser, ça plaira à Analya en plus. Je retournerai la voir, avec des fleurs. Des tulirdées. Ce sont ses préférées.
#4863
J'ai voulu téléphoner au Centre, mais ma ligne ne fonctionne plus. J'irai les voir demain.

#1
Enfin seul. C'est mieux que de se croiser à longueur de pièces dans la maison. Je me débrouille mieux sans lui de toute façon. C'est un soulagement.
#2
Des officiers sont venus me trouver, sur décret du Centre. Un défaut de fabrication de certains Clones de compagnie. Ils sont vite repartis, il n'y a plus de clone ici.
J'ai rendez-vous demain avec Analya. Elle s'est excusée pour son comportement la semaine dernière. Je n'ai pas compris.
#3
La soirée s'est passée à merveille. Elle m'a remercié de me soucier de la déontologie et de m'être défait de l'Autre.
Elle m'a juste trouvé plus grand apparemment. Ça lui passera.

*NPC = nouvelle personne de compagnie

9 septembre 2009

Maman

C'est pas joyeux, je préviens...

*

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu froid quand maman n'était pas là.

Le premier cri de la naissance n'en était-il pas un signe ?

Toute petite, elle m'a raconté que je pleurais dès qu'elle me couchait dans mon berceau. J'en ai déduit que quitter ses bras et sa chaleur réconfortants m'était insupportable. Loin d'elle, jamais je n'ai eu de fièvre. Mais j'ai eu froid.

Bien sûr, j'ai grandi. Et elle est entrée à l'hôpital. C'est papa qui s'est occupé de nous à l'époque. Je me souviens, c'était l'hiver. Je ne savais pas quoi mettre, c'est maman qui avait l'habitude de choisir nos vêtements. J'ai mal choisi. Papa n'a pas vu, et il gelait ce jour-là. Je suis rentrée de l'école grelottante, pour finir emmitouflée dans une grande couverture. J'y suis restée toute la soirée sans parvenir à me réchauffer.

Elle a guéri. Tout est allé mieux. J'ai entamé des études supérieures. J'étais grande, je ne suis plus partie en vacances avec eux, pour pouvoir faire un job d'étudiant. Comble de malchance, deux jours après leur départ à tous, le chauffe-eau est tombé en panne. Un mois à prendre des douches froides, il m'était impossible d'aller tous les jours chez ma grand-mère, elle habitait trop loin. L'été n'a jamais été aussi pourri. J'ai même dû faire du feu dans la cheminée pour ne pas mourir de froid...

Chacune de ces fois, tu n'étais pas là maman. J'ai eu froid. Et quand je regarde le trou au fond duquel on va maintenant te déposer, je me demande si cette sensation glaciale au creux de mes os partira un jour...

3 septembre 2009

Ce matin...

Poésie du matin-chagrin, inspirée du ciel se montrant par la fenêtre. Merci Jeffw.

*

Aujourd'hui, air lourd, chaleur étouffante
Ce soir, merci l'orage
Le ciel se dégage
L'air est plus frais
Arc-en-ciel sur nuages dorés
C'est beau l'été.

*

Le ciel est gris et uniforme
La pluie contre la vitre
Petites gouttelettes
Doucement
Tombent

Partent les soucis
J'aime la pluie.

*

Ce matin, morne rituel des voitures sur l'autoroute
Bouchons, entre klaxons et pots d'échappement
Mal réveillée, le regard se promène
Brouillard sur la route
Lambeaux de nuages
Dans les branches
Soleil perçant
Ses rayons
Et le ciel
Tout doré

Voilà une belle journée

1 septembre 2009

Auf Wiedershen papy.

Jeu d'écriture 68c, pour le Cahier d'été.
Le texte devait commencer par cette phrase : "Parmi les papiers, il y avait une lettre curieuse."


*

Parmi les papiers, il y avait une lettre curieuse qui capta immédiatement son regard. L'écriture surtout. Bien qu'elle n'avait eu que très rarement l'occasion de la croiser, Helga reconnu tout de suite que cette lettre était issue de la main de son grand-père. Elle ne l'avait jamais connu, mort bien avant sa naissance. Le sujet était tabou dans la famille, elle n'avait jamais pu en savoir plus, à sa grande déception.
Peut-être que grâce à cette lettre, elle aurait quelques informations... Elle sourit à l'ironie de penser que c'était la mort de sa grand-mère et toute la paperasse qui l'accompagnait qui lui permettrait sans doute de connaître les circonstances de celle de son grand-père.

Elle observa un moment le morceau de papier jauni qu'elle tenait en main sans oser le lire. Pourquoi sa grand-mère l'avait-elle gardé, elle si virulente vis-à-vis de son défunt mari ? La missive était courte, quelques lignes, tout au plus. Les traits quelque peu tremblants, comme si elle avait été écrite sous le coup de l'émotion.
En haut à droite, une date. 4 juillet 1943. Peu avant sa disparition donc. Ne pouvant se retenir plus, Helga commença sa lecture.

Ma Bertha, mon amour,

Je ne peux oublier le regard que tu m'as lancé cette nuit, lorsqu'ils m'ont arrêté. Tu m'en veux, je le sais. Tu dois sans doute même me haïr.
Je ne te cacherai rien, ils m'ont battu, comme un chien. Ils voulaient que je signe ce papier. J'ai refusé. Tu dois t'en douter. Si toi tu n'as pas réussi à me convaincre, tu peux être sûre qu'eux n'y parviendront jamais. Non, ne te méprends pas, je ne te juge pas de l'avoir fait. Je comprends que tu as surtout pensé à notre petite fille. Que serait-elle devenue ? Mais même si l'idée de ne pas la voir grandir me déchire, jamais je ne pourrai me renier à ce point. J'y perdrais mon âme, je serais pire que mort en renonçant à toutes mes valeurs. Rester en vie à ce prix me serait intenable. C'est pourquoi je résisterai, encore et toujours aux nazis et à leurs idées.
J'ai entendu dire qu'ils allaient me déporter. Je suppose donc que j'ai peu d'espoir de te revoir un jour.

Prends soin de notre petite fille. Je t'aime tu sais.


Une larme tomba sur la feuille. Helga prit vite un mouchoir pour l'essuyer délicatement. Elle voulu faire de même avec une autre, un peu plus loin, mais celle-là était déjà sèche. Depuis longtemps.

Elle replia la lettre, rassérénée.