6 octobre 2008

Défroqué

Jeu d'écriture. Le premier auquel j'ai participé.
Consignes : suranné.
Et les mots à insérer l'étaient : battre sa coulpe, adamantin, zélateur, vespéral, vilipender, prolixe.


*

Frère Ciprian était en rage. Que le père Guilhem, le zélateur, ne l'aimât pas, il s'en était accomodé. Mais le vilipender de la sorte, devant tout le monastère de Saint Thomas-en-Forêt!

Surtout qu'il ne voyait pas en quoi il avait matière à battre sa coulpe en cette occasion. Ses voeux, il les tenait en haute estime et les respectait, il assistait à la plupart des offices, de mâtines à complies, et ce, quelque prenant que fût son travail au cellier ou en cuisines.


Car il en avait fait du chemin, Ciprian. Etant né le benjamin d'une famille nombreuse et pauvre de surcroît, ses parents en avaient fait don au monastère. C'était là chose courante. Force est d'avouer que ses débuts furent difficiles. A la vie calme et paisible du cloître, il préférait le travail aux champs. Les voeux monastiques ne lui convenaient pas – surtout celui d'obéissance – et il devait beaucoup au vieil évêque, qui l'avait pris en charge dès son arrivée. Ses enseignements lui furent très précieux, et il avait été prolixe en la matière. Frère Ciprian se souvenait encore avec nostalgie des pénitences que l'évêque lui avait infligées, telles que recopier le vespéral à la main, travail pour le moins fastidieux habituellement réservé aux copistes.


Las, ce vieil évêque était mort quelque jours plus tôt. Ce fut un coup dur pour toute la petite communauté monastique. Des élections allaient être organisées, et force était de constater que le père Guilhem faisait tout ce qui était en son pouvoir pour éliminer le jeune cellerier de son chemin.

La honte qu'il venait de se voir infliger fut l'élément décisif. Il se leva et soutint le regard adamantin que le père Guilhem avait posé sur lui.

- Bien que c'eût été avec grand joie, nous n'allons point nous attarder sur la casuistique de l'affaire. Je reconnais tout à fait aider régulièrement de pauvres hères de passage, en leur fournissant quelque viatique pour qu'ils puissent continuer leur voyage. Je leur donne peut-être un peu plus qu'il ne faut, mais n'avons nous point fait voeu de pauvreté, que pour nous plaindre de la disparition d'un jambon ou l'autre?


Il savait qu'il n'aurait jamais dû prendre la parole. Le père Guilhem était homme cupide, et cherchait par-dessus tout à élever ce monastère au rang de cathédrale. Mais pour cela, il avait besoin d'argent. La générosité de Ciprian ne lui seyait guère.

- Et qu'avez-vous à dire au sujet de cette... cette femme qui séjourne à l'hostellerie? lui répondit le moine.

- Qu'aurai-je à dire de plus que précédemment? Elle est de passage, et j'ai passé la journée en sa compagnie pour l'aider à faire quelques provisions en vue de son départ. Rien de tout cela n'est interdit.


Ciprian avait menti. La jeune femme l'avait troublé, comme rarement auparavant. Il avait pris cette excuse pour passer la journée en sa compagnie.

- C'est inconvenant! Que vont penser les villageois en voyant un moine et une jeune femme ensemble? Auriez-vous oublié les voeux que vous défendiez encore avec tant de force il y a un instant? M'est avis que notre bon évêque était trop doux avec vous. Il n'a jamais pu vous apprendre l'obéissance. Vous êtes une honte pour ce monastère!


C'en fut trop. Ciprian se leva, décidé. Sa décision était prise bien avant cette altercation de toute façon. Il était amoureux.

2 commentaires:

Yunette a dit…

Han la la... Un moine amoureux... Hérétiqueuh !

XD

Chrysopale a dit…

Faut que t'arrêtes les Royaumes toi... ça te pourrit le cerveau...