18 février 2009

Diraïr

Une nouvelle SF, apparemment encore à améliorer...

*

Diraïr restait figé devant la porte, la main sur la poignée, il hésitait. Oserait-il aller plus loin ? Il regarda à nouveau le numéro inscrit au dessus du montant : 41. Aucun doute possible, il ne s’était pas trompé.

Disettes, famines… La faim est partout. Des millions de gens meurent.
Seuls quelques nantis, grands directeurs ou haut-placés, ont les moyens de se payer deux repas par jour, dont un chaud, de porter des vêtements décents. Et même alors, un tel étalage de luxe est choquant pour leurs employés, qui ressemblent plus aux squelettes vivants des camps de concentration d’il y a quelques siècles qu’à des humains. Il ne se passe pas quelques jours sans que l’un d’eux s’effondre sur son bureau, mort de faim. Et pourtant ils sont privilégiés : une fois par semaine, ils ont droit à un sandwich au boulot.
Dans la rue, la situation est bien pire : les cadavres jonchent le sol.
Et ce n’est pas tout. Les logements sont minuscules, et les familles s’y entassent, parfois dormant à 10 dans une pièce. Il n’y a plus d’espace, nulle part. Ni de nourriture bientôt. Le pétrole ? Epuisé depuis bien longtemps, le seul moyen de transport étant la marche à pied. Dans des rues bondées.
La situation devient ingérable, il faut faire quelque chose.


Finalement, il avait ouvert, et restait maintenant dans l’embrasure de la porte. Le néon du couloir derrière lui constituait la seule source de lumière, mais elle était largement suffisante. A 70 ans, il était encore dans la pleine force de l’âge, et les problèmes de vue n’arriveraient pas avant quelques dizaines d’années. Son visage était lisse, et son corps, semblable à celui d’un enfant de 12 ans.

En fin de compte, la solution fut apportée par les scientifiques. Après de nombreuses propositions, dont un comprimé d’éternité, rendant la reproduction inutile (qui fut vite rejeté, pour des raisons évidentes, les scientifiques ayant le bon sens de savoir que l’acte de reproduction ne serait pas abandonné par des adultes conscients), l’un d’eux – que l’on ne connaissait que sous le surnom de Shark – exposa le fruit de ses recherches : un médicament qui empêchait de grandir. Maintenus à leur taille d’enfant, les besoins de chaque être humain seraient réduits de moitié, au minimum. Et tout serait adapté à leur taille, les problèmes de logement seraient donc réglés également. Surtout que le temps que le produit soit en circulation, une bonne partie de la population serait morte.
La solution fut adoptée à l’unanimité. Les gains d’énergie et de place seraient considérables avec cette invention révolutionnaire.


Il ne bougeait pas, il restait là, à scruter la silhouette allongée au milieu de la pièce ténébreuse.
Des années qu’il travaillait à la Base de Reproduction. Des années sans savoir ce qui se passait derrière ces portes toutes semblables du Couloir de Gestation. Aujourd’hui, il avait enfreint la règle. Il avait ouvert une des portes… SA porte.

Une question pertinente fut soulevée : et la reproduction ? Le clonage n’était pas envisageable, ne formant que des êtres attardés, dont la société n’avait nul besoin.
La réponse vint rapidement. Quelques personnes seraient dispensées du traitement, et parviendraient à leur taille adulte. Des femmes. Gardées dès leur plus tendre enfance dans la Base. Leur utilité : la reproduction. Cloîtrées, elles ne serviraient qu’à être inséminées et accoucher.


La curiosité l’emportant, il fit quelques pas dans la pièce, s’approchant du corps. Un corps de géant comparé à lui. Une femme. Inconsciente. Elle semblait dormir. Ses cheveux auburn épars sur ce qui ressemblait à un oreiller. Elle était belle, très belle, et malgré son sommeil, on voyait toute la douceur qui émanait de sa personne. Une proéminence formait une bosse dans les couvertures au niveau de son ventre. Elle était enceinte. C’était donc à ça que ressemblait un adulte. Il s’étonna de sa taille. Dire qu’il était considéré comme grand parmi ses amis. Il les dépassait bien tous de quelques centimètres, mais la femme couchée là était bien plus grande que lui.

Malgré des heures de discussions, un point avait été omis. Un détail, un défaut dans la solution miracle.

Diraïr, comme la plupart des employés de la Base, n'était en contact qu'avec les fillettes. A partir du moment où leur puberté commençait, personne ne savait ce qu'il advenait d'elles. Personne non plus n'avait conscience de ce qu'était la puberté et des changements qui allaient de pair. Mais lui voulait savoir! Après de nombreuses recherches, il avait découvert ce qui se cachait derrière ces portes. Il savait que la 41ème était celle qui l’avait vu naître.

Shark s’en était vite rendu compte, mais n’avait rien dit, entrevoyant l’opportunité qui s’offrait à lui : il fallait quelqu’un pour administrer le traitement, pour gérer tout cela.

Il continuait à observer la femme… sa mère ? D’où lui venait ce mot, il n’en savait rien. Ce que signifiait le mot mère, il l’avait compris en même temps qu'il s’était imposé à son esprit.
Il jeta un regard alentour, tentant de maîtriser les sentiments qui se bousculaient en lui. Le lit, qui occupait le centre de la pièce, était entouré d’une quantité impressionnante d’appareils. La femme n’avait toujours pas bougé. Elle semblait plongée dans un coma artificiel, gardée en vie grâce à tout ce matériel.

Les années passaient, les gens vivaient dans l’opulence. Le taux de mortalité chuta de manière vertigineuse, les gens atteignant sans problème les 150 ans. Aucune raison de se plaindre.

Diraïr leva une main tremblante vers le corps étendu et la posa doucement sur celle de la femme. Un frisson le parcourut. Un bruit dans son dos le fit se retourner brusquement. Son cœur s’emballa. Il savait qu’il n’avait pas le droit de se trouver là. Il risquait gros s’il était découvert… l’éradication…

Mais lorsque tout le monde eut reçu le traitement, et que les problèmes de surpopulation et y afférant se furent résorbés, Shark prit le pouvoir. Un plein pouvoir. Discret, de manière à ce que personne ne songe à se rebeller, mais omniprésent.
Et les gêneurs disparaissaient, mystérieusement, éradiqués.


Devant lui, une silhouette sombre se découpant dans la clarté du couloir, un sbire de Shark. Il fit un pas en arrière, ses pires craintes se confirmaient. Il avait été repéré. Jamais il n’aurait cru que Shark réagirait aussi rapidement.
La réaction de Diraïr fut tout aussi rapide. Il avait déjà eu à faire à ces sbires. Il courut dans sa direction pour, au dernier moment, plonger et se glisser entre ses pieds. Là, le couloir. Il ne fallait surtout pas qu’il arrête de courir. S’il se faisait rattraper, il était foutu. Il courait, droit devant lui, tournant ici à droite, là à gauche. Il connaissait la Base par cœur, mais son poursuivant également.
Plus qu’une solution, sortir du bâtiment. Là, il aurait une chance de lui échapper. Infime, mais réelle. Arrivé dans la rue, il hésita un instant sur la direction à prendre. Cet instant lui fut fatal, car au même moment, un autre sbire le surprit et l’immobilisa.

Une voix résonna en lui. Le ton était glacial, métallique. Ses yeux s’écarquillèrent d’effroi lorsqu’il comprit exactement ce que signifiait l’éradication. Un châtiment des plus adaptés à son cas, voilà ce que lui répétait Shark. Et même lorsque la voix eut fini son discours, les mots ne cessaient de tourner dans sa tête, de revenir sans cesse à son esprit, chargés de toute l’horreur de la torture qui l’attendait. Il n’avait plus qu’un espoir, en finir, au plus vite, et mourir.
Il eut un instant de regret pour sa mère, mais il était impuissant.

Le corps déstructuré de Diraïr servirait à nourrir et régénérer le corps de sa mère, et également… à sa prochaine fécondation…

9 commentaires:

Yunette a dit…

Encore à améliorer ? Alors ? T'attends quoi ? ^^

Chrysopale a dit…

De trouver ce qu'il faut améliorer pardi. En attendant, allez voter pour lui ici :
http://portail-sf.blogspot.com/2009/05/dirair-sf.html

Lal Behi a dit…

D'ailleurs, savez-vous, chers lecteurs, que Chrysopale a gagné un prix avec ce texte ?
Pour Chry, hip hip hip...

Jeffw a dit…

Hourra !

Castor tillon a dit…

Etant grand amateur de science-fiction, je dirais que ce texte a un vrai potentiel. Bien écrit, bien rythmé, et intéressant, seule la fin est un peu faiblarde, ce serait peut-être ça, le truc à améliorer.
Si je peux me permettre, bien sûr.

Castor tillon a dit…

J'avais mis un mot sur Portail SF, mais visiblement, il n'est pas passé, à la modération. Pas mis de gros mots, pourtant, je l'jure !

Enfin, bon. Quand on voit les dates des coms, - juin 2009 - on se dit qu'ils ont peut-être pris un congé sans solde.
Ou que le site a changé de fuseau horaire.

Chrysopale a dit…

Je pense qu'il s'agit d'un congé sans solde en effet... ça fait un bail que je ne suis plus allée voir ce qui se passe là-bas.

Et oui, tu peux te permettre. Les textes sont publiés sur le blog dans ce but justement (recevoir des "ouah, génial", ça n'aide pas pour s'améliorer ;-) )

Castor tillon a dit…

Bon, en gros, les éditorialistes trouvent que ton texte ressemble au Meilleur des mondes ou à 1984 : on dirait que les gens n'ont lu que ces deux-là. Je ne suis pas d'accord, il est plus proche des Monades urbaines, de Silverberg, par exemple. De plus, les mêmes thèmes reviennent très souvent en SF, ce n'est pas un argument de critique constructive. C'est comme ces journalistes qui disaient que Jackie Chan était le nouveau Bruce Lee : rien à voir.
Pour moi, ton histoire est suffisamment originale pour se démarquer des classiques, tout en restant dans un schéma que les amateurs du genre aiment.
La fin coince. Tu ne verras jamais dans un récit de SF qu'un corps mort sert à une fécondation. A moins de trouver quelque chose de plausible, et de développer un minimum.
Chuis chiant, hein ?

Chrysopale a dit…

J'avais lu les commentaires quand même hein ;-) (ça fait un bout de temps tout ça, mais il faut croire que j'ai encore un peu de mémoire)

Et t'es pas le premier à me dire que la fin coince... faut que je trouve un truc aussi cruel mais plausible...

Nan, pas chiant, ça m'aide.