25 novembre 2008

7 novembre

Jeu d'écriture. A vos Plumes, n°50.
Les éléments : 50 ans, une pelle, un flingue, un cimetière, de l'or, le Mexique.
J'ai quelque peu détourné le thème auquel on s'attendrait.
Et suite à un délire pré-scriptural, je me suis aussi fixée comme objectif d'y ajouter un harmonica.


*

Le 7 novembre. Son regard, par habitude, avait heurté le calendrier fixé près de la porte. Cette date résonnait maintenant dans son esprit, clignotait tel un néon devant ses yeux. 7 novembre. Il avait eu tant de projets pour ce jour. A croire qu’elle l’avait fait exprès. Non, il ne pouvait pas dire ça. 7 novembre. Il avait eu tant à penser, tant à faire ces derniers jours qu’il en était venu à oublier la date. Et voilà qu’elle venait pernicieusement de se rappeler à son esprit. Il aurait préféré encore l’oublier, non, ne pas y penser, mais impossible.
Enfilant son manteau noir et enfonçant son chapeau sur sa tête, Emile sortit affronter la pluie glacée.
La cérémonie fut sinistre. Hormis les membres de la famille, seuls quelques amis avaient fait le déplacement jusqu’au cimetière. Emile n’y prêtait pas attention, pas plus qu’à l’eau qui dégoulinait le long de son dos. Le regard dans le vague, une seule pensée l’obsédait, la date. Le 7 novembre. Aujourd’hui, voilà 50 ans qu’Irène et lui auraient été mariés, unis pour le meilleur et pour le pire. Des noces d’or. Et ils avaient tant vécus en 50 ans, le meilleur comme le pire. Il ne gardait pourtant que le meilleur en tête.
Il avait tout prévu pour l’occasion. Un grand dîner en famille – la maison pouvait se permettre d’accueillir la vingtaine de personnes que cela impliquait – et, à la fin du repas, son cadeau : un voyage au Mexique ! Ils n’avaient presque jamais pris de vacances, c’était l’occasion rêvée. Elle qui aurait adoré voyager.
Il faut croire que rien ne va jamais comme on le voudrait. La famille était rassemblée oui, mais autour du cercueil d’Irène, pleurant. L’exact opposé de la joyeuse ambiance prévue.
Les gens commençaient à quitter les lieux, il fallait préparer le repas de funérailles. Emile resta encore un moment là, devant le trou, à regarder les fossoyeurs lancer des mottes de terre sur le cercueil où reposait désormais sa femme. Les larmes ruisselaient sur son visage. Les fossoyeurs arrêtèrent un instant le mouvement de leurs pelles, respectant la douleur de cet homme qui venait de perdre sa compagne de toujours.
Après un long moment, il rentra à son tour. Son fils l’avait attendu, il passa un bras autour de ses épaules. Nul besoin de mots. Tout était dit. "On est là papa, tu peux compter sur nous". Le vieillard était reconnaissant de ce soutien silencieux.

Le repas fut sinistre lui aussi, mais l'atmosphère commença à s'alléger. Le temps passant, les discussions reprenaient, on parlait de tout et de rien. La vie continuait son cours. Irène resterait à jamais dans le coeur de chacune des personnes présentes, mais il fallait continuer la route. Emile se surprit à sourire. Son dernier petit-fils, Hugo, avait trouvé son vieil harmonica dans le grenier et lui demandait de lui apprendre à en jouer. Le son produit par le garçon était loin d'être agréable à l'oreille, mais il était heureux.

Le soir venu, l'absence d'Irène se fit plus forte. Elle était sous terre maintenant, il réalisait tout ce que cela signifiait. La perspective de longues soirées en solitaire l'effrayait. Il monta ranger l'harmonica, tant de souvenirs et de vieux objets dans ce grenier. Son vieux flingue était-il toujours là? Désolé les vivants, je ne peux continuer sans mon Irène. Mon amour, attends-moi, j'arrive.

1 commentaire:

Yunette a dit…

La force de l'habitude, l'impossibilité de se passer de l'autre... Amour, toujours... ensemble.